1989: les ventes de la Carrera 3.2 sont en chute libre, alors que le monde de l'automobile de collection connaît un véritable boom, qui retombera aussi vite qu'il est monté. Dans ce contexte apparaît la Carrera 4, une nouvelle à qui va revenir la lourde tâche de passer les années de crise, avec sa soeur la Carrera 2.
Porsche a vécu les années 80 sur un nuage, sans trop se soucier de l'avenir. Produire, encore et toujours plus, telle était la raison d'être des dirigeants de la grande maison Porsche. Péter Schutz est parti fin 87, juste au moment où le vent s'est mis à tourner. Heinz Branitzski, un financier maison, le remplace, mais il ne parviendra pas à enrayer la chute de la 3.2. Du coup, lorsque sort la génération 964, rien ne va plus: l'entreprise génère des dettes, que les qualités du nouveau produit ne parviennent pas à surmonter. Le passage express, à la tête du directoire, d'Arno Bohn, n'y changera rien. Il n'y aura que l'arrivée de Wendelin Wiedeking, en 1992, pour enfin prendre les bonnes mesures et sauver l’entreprise.
Mais que s'est-il donc passé? Porsche a tout simplement souffert du vieil adage «s'endormir sur ses lauriers». L'immense succès de la 3.2 a fait oublier l'essentiel: lui assurer une descendance, qui aurait dû arriver plus tôt. Par exemple en 1987. Au lieu de cela, on travailla sur la 959, qui réclama beaucoup d'énergie, et qui connut effectivement un vrai succès d'image auprès des passionnés du monde entier. Mais concrètement, la stagnation se fit sentir. A part l'excellent «coup» du Speedster, rien n'est venu freiner l'hémorragie. Autre conséquence inattendue: la clientèle exclusive de la marque a fini par se lasser de «voir des Porsche à tous les coins de rue», et a tourné le dos à la marque.
Mauvais pour l'image. N'oublions pas que le look de la 911 n'a pas évolué dans les grandes lignes, depuis 1974, à l'exception de l'élargissement des ailes! Ce vieillissement a fini par se faire sentir... Du coup, lorsque, en août 1989, est présentée la Carrera 4, l'enthousiasme n'est pas de mise. On a beau clamer, chez Porsche, que cette 911 est nouvelle à 87%, l'homme de la rue a du mal à le croire. Si on y regarde bien, seuls les boucliers avant et arrière, les bas de caisse et les jantes ont changé!
La spirale financière négative étant déjà en route, elle ne cessera de plonger vers le bas jusqu'en 1992. Pour la première fois, Porsche doit vraiment affronter la crise. Le changement entre la conduite d'une 3.2 et d'une 964 est pourtant évident, y compris pour le commun des mortels. Car si l'aspect extérieur a effectivement évolué en douceur, aucun élément mécanique n'est repris à l'ancien modèle.
Si on s'attarde sur l'extérieur, on notera que le peu de modifications effectuées porte pourtant ses fruits. Plus fluide, plus aérodynamique, la 964 (c'est le nom de code donné par l'usine à ce nouveau modèle, qui sera plus tard repris afin de la différencier des générations suivantes), flatte l'oeil, et a pris un sacré coup de jeune. Le choix des jantes Speedline est peut-être moins heureux, les Fuchs ayant toujours eu la préférence des porschistes. En revanche, la bonne surprise vient de l'aileron arrière qui se lève à partir de 80 km/h, et se rabaisse quand l'auto est à l'arrêt. Bien pour la stabilité, et tout aussi bien pour la frime!
Au fait, pourquoi lancer d'abord une Carrera 4? Tout simplement pour profiter de l'effet 959, et aussi de l'effet de mode lié aux quatre roues motrices, qui sont devenues une sorte de panacée depuis qu'elles sont indispensables aux voitures de rallye pour remporter le championnat du monde.
La Carrera 2 apparaîtra un an plus tard, en coupé, Targa et cabriolet, afin de perpétuer la tradition de la gamme 911. Aucun signe distinctif ne permet de reconnaître une 4 d'une 2, si ce n'est le logo sur le capot arrière, (les étriers 4 pistons AR pré-92 et le bouton de blocage de différentiel). L'intérieur, sans connaître de changements fondamentaux, est également mieux fini, plus fluide, avec des revêtements de meilleure qualité. Dès l'arrivée de la Carrera 2, le légendaire tableau de bord reçoit un ordinateur de bord, tandis que les différentes commandes sont mieux agencées. L'éclairage de ce tableau de bord est également nettement mieux conçu que sur son aînée. On reconnaît aussi une Carrera 4 à son bouton de blocage de différentiel sur la console centrale.
Sous le capot avant, l'agencement a entièrement changé, afin de loger la transmission intégrale. Mais c'est bien entendu sur le plan mécanique que la 964 innove.
Le moteur a vu sa cylindrée portée à 3600cm3, sortant ainsi 250ch à 6100 t/mn, pour un couple de 310 Nm à 4800t/mn. Plus puissante, mais aussi plus lourde! Là où les dernières 3.2 dépassaient les 1200 kg, la 964 en fait 1350! Et ne parlons pas de la Carrera 4, carrément plus lourde de 100 kg par rapport à une 2, soit 1450 kg. Il n'y a donc pas particulièrement de gain en performances, mais le 3,6 litres, entièrement nouveau en interne par rapport au 3.2, est beaucoup plus moderne. Il reçoit un allumage à deux bougies par cylindre et un système Motronic plus évolué, et surtout, un pot catalytique de série.
Côté boîte, la G50 est toujours de service, mais elle a été modifiée au point d'être rebaptisée G64 sur la Carrera 4 (G50 pour les Carrera 2). En 1990 apparaît la boîte Tiptronic, à quatre rapports, qui permet de rouler en tout automatique, ou, en poussant le levier vers la droite, de monter ou descendre soi-même les rapports, afin de laisse au conducteur l'impression de toujours faire quelque chose! Les suspensions sont également entièrement nouvelles.
Ressorts la seule modification ultérieure notable concerne l'année 1992, où on observe un changement de rétroviseurs, qui prennent la forme obus, et de jantes, toujours en 16", avec un dessin s'inspirant de celui des Carrera Cup et RS. Entre deux, l'airbag conducteur, puis passager, ont fait leur apparition, plus divers détails ayant permis de fiabiliser la 964. Le modèle s'éteindra en toute fin d'année 1993, donc en millésime 94 pour la France.